Guerre des tarifs : la SODIL au travail pour les exportateurs d’ici
En près de 30 ans de carrière, Jacques Fortin a été témoin de plusieurs crises économiques. Les cycles se succèdent et celui qui touchera le Québec permettra aux entreprises d’ici de se relancer vis-à-vis des tarifs annoncés par le président Donald Trump. Le directeur général de la SODIL est persuadé que nos exportateurs sauront s’adapter à cette nouvelle réalité et son organisation sera là pour les accompagner.
Par Gilles Bordonado
Quelques données
Selon l’organisme Commerce International Québec, l’exportation est un moteur essentiel de l’économie québécoise. Elle représentait 46,5 % du produit intérieur brut (PIB) en 2022, avec une valeur de 158,5 milliards de dollars, dont 127,9 milliards de dollars en biens et 30,6 milliards de dollars en services. 72,9 % des exportations internationales de biens du Québec étaient destinés aux États-Unis, la part représentée par le reste du monde ayant peu bougé au cours de la dernière décennie, malgré les efforts de diversification.
Cette forte dépendance aux exportations vers nos « amis » du sud expose donc les entreprises d’ici aux risques liés aux fluctuations des politiques commerciales et aux tarifs douaniers. Au Québec, les secteurs les plus touchés comprennent l’aérospatiale, l’agroalimentaire, les mines et la métallurgie, les sciences de la vie, les technologies de l’information et de la communication, ainsi que le transport terrestre. Dans Lanaudière, on croit que l’industrie de l’acier risque d’être particulièrement affectée.
Gérer l’incertitude
« Le plus gros problème, au-delà des tarifs, c’est l’incertitude très grande à laquelle font face nos entrepreneurs, mais je remarque chez eux le désir de réagir. Tous sont en attente, mais personne n’est passif », de souligner monsieur Fortin.
« Cette situation me fait repenser à cette citation de Roy Amara appelée la loi d’Amara. Elle dit que “nous avons tendance à surestimer l’effet d’une technologie à court terme et à la sous-estimer à long terme.” C’est aussi vrai en économie. La trame de fond des changements climatiques et démographiques, la montée du protectionnisme et leurs différents impacts demeurent des variables fondamentales à long terme qui vont perdurer. La “trumpête” actuelle est un épiphénomène éphémère, mais on n’a pas le choix d’en tenir compte le temps que ça dure » d’ajouter monsieur Fortin.
« Depuis la Seconde Guerre mondiale, les économies planétaires sont demeurées à la remorque des États-Unis, alors que l’histoire a démontré que les Américains font preuve régulièrement de protectionnisme et mènent ce genre de guerres des tarifs. Pour nos manufacturiers, comme ceux des autres pays du monde, ce sérieux wake up call démontre la nécessité de diversifier nos marchés », de noter le directeur général.
Dans la mesure où il est « impossible de prévoir l’imprévisible », ce dernier souligne que « nos entreprises ne sont pas dans la panique, mais veulent néanmoins se préparer, en attendant de voir les gestes concrets posés par l’administration américaine. Entre-temps, il faut se rabattre sur ce qu’on peut contrôler. »
Opération Prospérité Québec — Lanaudière
Dans ce sens, M. Fortin souligne que la SODIL participe au programme Opération Prospérité Québec, en collaboration avec Commerce International Québec et les autres organismes régionaux de promotion des exportations (ORPEX).
Ainsi, la SODIL a diffusé un guide pour les entreprises exportatrices, a partagé une page web rassemblant les informations essentielles et a mis en place de formations ciblées sur les enjeux commerciaux et concurrentiels. Un sondage régional est en cours pour mieux comprendre les défis locaux, et un événement de concertation est prévu pour avril afin de réunir les acteurs régionaux avec les entreprises pour identifier des solutions spécifiques.
La SODIL a pris une position proactive pour assurer le leadership régional et coordonner plusieurs actions de concert avec Québec et Ottawa, mais aussi les administrations municipales et les organismes économiques locaux, tels que les chambres de commerce. « Je souligne d’ailleurs l’engagement important de Lanaudière Économique et des MRC de la région Lanaudière et d’un grand nombre de villes aux enjeux liés au domaine manufacturier et à l’exportation », précise monsieur Fortin.
L’a SODIL facilite la communication entre les entreprises, les autres régions du Québec, et informe les entreprises des ressources gouvernementales dédiées à l’exportation. C’est le cas du programme Panorama d’Investissement Québec, qui soutient la diversification des marchés. Même si le processus peut être long, la SODIL incite les entreprises à s’intéresser aux marchés canadiens, de l’Union européenne et émergents, en Afrique et en Amérique latine. « Nous avions déjà trois formations à l’agenda sur ces sujets et elles sont quasi complètes. La SODIL est là et sera là pour les accompagner avec son expertise reconnue », de préciser monsieur Fortin, qui souligne l’équipe hautement professionnelle de son organisme en gestion des risques, la veille réglementaire et la conformité douanière qui peut soutenir les entrepreneurs.
Tirer profit de la crise
Jacques Fortin demeure optimiste face à l’avenir : « Je n’ai aucun doute que nos manufacturiers se relèveront les manches et feront face à la crise. À date, on déplore peu de pertes d’emplois. Si certaines entreprises ont vu des commandes être retardées ou annulées, d’autres ont vu croître les leurs augmenter au point d’en être débordées. La très grande majorité de nos manufacturiers peuvent faire face aux tarifs. Ils ont des finances et les reins solides. Ils peuvent profiter de la baisse du dollar canadien vis-à-vis du dollar américain, qui rend leurs produits et services plus concurrentiels, faire appel aux fournisseurs de leur chaîne d’approvisionnement et à leurs clients américains qui peuvent absorber une partie des tarifs imposés. »
Ce vétéran du développement économique juge cependant « qu’il ne faut pas laisser passer une bonne crise. » Chaque problème cache des opportunités et c’est le cas ici pour les entreprises exportatrices qui devraient en profiter pour réfléchir sur leur compétitivité, leur productivité, leur main-d’œuvre, l’usage qu’elles font des technologies et l’importance de l’innovation dans leur processus d’affaires.
Jacques Fortin est directeur général de la Société de développement international de Lanaudière.